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La création à chaque instant
15 mai 2014

Ne rien faire

Qu’est-ce que l’on entend quand on parle de « création » ? On a tendance à valoriser le « faire » dans une société qui s’évertue à imiter la fourmilière comme si créer c’était répondre à la pression sociale de produire toujours plus.

On se laisse contaminés par une agitation  vaine qui génère cette sensation amère que le temps ne nous appartient plus,  que notre lot quotidien se résume en une course contre la montre. Où est passé notre temps ? Pourquoi avons-nous la sensation que malgré tous les outils modernes capables de nous seconder, nous manquons toujours et toujours plus de temps ?

Et si justement, ne rien faire était la plus parfaite des réponses ?

J’aime ce concept chinois du Wu Wei qui consiste à ne pas agir. Ne pas agir est déjà une réponse créative à ce tumulte ambiant. C’est déjà un acte révolutionnaire.

 

C’est étonnant de constater que la solitude, le silence, les grasses matinées, la rêverie, sont vus d’un mauvais œil par la plupart des gens. A l’école, les maîtresses convoquent les parents de l’enfant qui se plonge dans la contemplation de la mer derrière le carreau. L’enfant est trop lent, trop rêveur, pas assez réactif.

Par son absence momentanée, l’enfant l’ignore, mais il vient de tenir tête au système, et s’il recommence trop souvent à préférer le paysage dans le cadre de la fenêtre aux leçons rabâchées de la maîtresse, la loi  moralisatrice et totalisante de l’école va le lui faire savoir, reprise et ânonnée  par l’ensemble des institutions mais aussi du reste de la société qui approuve silencieusement.

 

Il existe alors tout un tas d’adjectifs dépréciatifs pour décrier celui qui ne s’agite pas : « mou, tête en l’air, étourdi, passif », dans le Sud de la France on a nos qualificatifs en « asse » : « feignasse », « dormiasse » etc.

 

La mère qui décide d’arrêter de travailler pour s’occuper de ses enfants  culpabilise à chaque fois que les mamans actives se détournent d’elle avec mépris. Voyez comment elles sont fières celles qui déclament qu’en une journée, elles ont pu déposer à 7H30 leurs enfants à la garderie, travailler, aller chercher leurs enfants à 18h00, courir au club de gym, passer au micro-ondes leurs surgelés, s’endormir devant la télé. Celles-là même qui finissent en burn out à 40 ans ou qui se rendent compte un jour qu’elles ne connaissent pas leurs enfants.

 

Et plus on fait, et plus la superficialité  nous écrase. On a des amis facebook qu’on a vus qu’une seule fois, pas le temps pour approfondir, on se contente d’un journal télé, succursale d’une agence publicitaire de l’Etat, pas le temps de comprendre le monde, on suit le guide touristique qui nous dit quoi voir en vacances, pas le temps  de rencontrer les autochtones, on en revient épuisés, pas le temps de se reposer, on lit la page « littérature » de Elle, pas le temps d’acheter un livre, on télécharge l’intégral de 50 musiciens mais pas le temps de les écouter. On n’a jamais eu autant accès à tout mais on n’a jamais été si pétris d’ignorance.

 

Il y a chez tous cette fièvre folle de maîtriser la journée, de la calibrer, d’y laisser son empreinte mais au lieu de cela, le temps file et la seule satisfaction consiste en rapporter aux autres quels héros du quotidien on a été.

 

Ne pas agir suppose que l’on capte qu’il existe un ordre extérieur sur lequel l’homme aussi ambitieux soit-il, n’interviendra jamais. Il aura beau se contorsionner dans tous les sens, il ne sera jamais qu’une partie infime de la Nature qui, si elle décide tout à coup de le faire trembler, lui fera ravaler son manque d’humilité. Il y a déjà tant à faire à se nourrir du spectacle de la Nature.

 

Et si ne pas agir était la solution pour goûter plus amplement à la vie. On peut essayer de passer une journée dans la nature, assis, à écouter et regarder ce qui se passe autour de nous. Le temps nous paraîtra long tout à coup. On peut essayer de moins vouloir, de moins produire, de moins acquérir. Essayer de sentir où s'élancent nos envies quand on passe une semaine sans pénétrer dans un commerce, quand on réduit ses besoins, quand on décide de ne pas répondre ni aux mails ni au coups de fil, ni aux invitations. On peut rester immobiles. Il y a des chances pour que l’on gagne en souplesse, en écoute, en calme, en profondeur.

 

Si on ne cherche plus à sécuriser son périmètre en remplissant les placards de nourriture pour une semaine, on renoue avec la satiété, on réapprend la sensation de faim, si on ne réserve plus ses vacances 10 mois à l’avance perdant tout goût de la découverte que de les avoir déjà tant préparées, on réapprend l’instant, le plaisir d’errer et d’écouter où nos pas nous guident. On prendra le plus grand des risques, celui de vivre le présent. En ne résistant plus, en ne cherchant pas à tout prix à marquer le monde de notre Moi égocentrique, on apprendra davantage à faire tomber les a priori. On chérira les différences, la variété loin de cette aliénation qui est en train de nous appauvrir.

 

Vanessa

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  • Ce blog ne sait pas où il va, il sera en constante redéfinition, il ne sait pas ce qu'il cherche, à l'image de la phrase de Marguerite Duras "j'écris pour savoir ce que j'écris quand j'écris", ce blog s'écrit pour savoir ce qui s'écrit quand j'écris.
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