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La création à chaque instant

7 mai 2014

Bonjour

Bonjour à tous ceux qui rencontrent ce blog, Ce blog prend racine dans un profond désir personnel d’inventer ma vie, mon quotidien, mes solutions. On trouve souvent des réponses toutes faites (en général la société regorge de ces solutions) aux difficultés...
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13 novembre 2015

Publication de mon premier roman: Cut

Après de nombreuses hésitations, j'ai enfin décidé de publier un roman de jeunesse, vous pouvez le commander sur Amazon, sur Apple et sur Kobo Fnac

 

Présentation du livreCut est le récit d’une histoire d’amour entre Vera et Josh, deux jeunes adultes qui vivent à plus de 6000 kilomètres de distance, qui, dans l’absence cherchent des ponts qui les relient, s’accrochent à l’environnement, à la nature qu’ils convoquent, aux signes et aux coïncidences et surtout à la mémoire qui raconte sous un angle toujours différent leur histoire. Ils évoluent ainsi dans cet intervalle entre le passé d’une rencontre et l’anticipation de leurs prochaines retrouvailles, tâtonnant entre le rêve et la réalité d’une histoire qui ne se laisse pas saisir, qui n’est jamais aussi réelle qu’une incision sur le corps.

 

 

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8 novembre 2015

Interview Vidéo avec Hervé René Martin

 



18 août 2015

Une Alliance sacrée

 

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Entretien avec hervé rené martin.

Propos recueillis par Vanessa Chamonal.

 

 Bonjour Hervé, on te retrouve enfin après des années de silence, tu dormais ou tu veillais ?

 

6 ans depuis la publication de mon dernier livre. Je cherchais une nouvelle écriture sans savoir ce qu'elle serait. Je tâtonnais. En même temps je m'écrivais moi-même. Au fond, plus que d'écriture, j'étais en quête d'une nouvelle forme de moi-même. Je me transformais. Et pour cela il m'a fallu descendre dans mes obscurités. Je suis revenu au jour au début de l'hiver, j'ai connu un état de grâce à la faveur duquel j'ai écrit trois livres coup sur coup. Et ce n'était pas seulement une grâce de l'écriture, plutôt une grâce de l'existence. Tout était limpide et lumineux. Forcément, quand on remonte de l'obscurité, le monde entier semble limpide et lumineux. Puis, au printemps, quand j'ai pris sur moi de ralentir l'écriture qui me prenait absolument tout mon temps, j'ai connu une grande fatigue. Je me rappelle avoir écrit à une amie qu'il me semblait sortir de l'hiver de ma vie. Il y avait bien sûr la fatigue physique. Je ne suis plus très jeune et je venais de passer près de deux ans à construire ma maison à raison de dix heures en moyenne de travail quotidien. Mais ce n'était pas seulement cela. J'étais comme un naufragé jeté sur une plage après avoir été ballotté sur les flots durant près de soixante ans. Maintenant je reviens d'une semaine en montagne avec une bonne fatigue dans les jambes et des paysages plein les yeux.

 

 

Tu fais partie de ces personnes qui semblent avoir vécues mille vies : voyageur, professeur d’arts martiaux, assureur, galeriste, et surtout écrivain, bâtisseur, tu as construit deux maisons toi-même, est-ce qu’aujourd’hui, tu perçois un fil conducteur dans ce parcours ?

 

Il y a une très belle phrase du Bouddha : « La vie n'est pas un problème à résoudre mais une réalité à expérimenter ». Si je devais me définir en un mot, je dirais que je suis un expérimentateur. Je suis le fil conducteur. Pendant plus de soixante ans, le fil m'a conduit par le bout du nez et je l'ai suivi bon gré mal gré. Aujourd'hui je conduis et le fil est mon sillage. Je ne regrette pas un seul instant de ma vie, même si je serais horrifié à l'idée d'en revivre un seul, fut-ce le plus beau. Aujourd'hui je me vois comme Pinocchio, dont l'histoire commence ainsi : « Il était une fois... — Un Roi ! s'écrieront aussitôt mes petits lecteurs. Non, les enfants, vous vous trompez. Il était une fois un morceau de bois ». Comme je l'écris dans Rencontre avec soi, je fus d'abord un enfant ébloui, puis, à 4 ans, par les hasards de l'existence – ou comme chacun voudra l'appeler – je sombrai dans le néant. Pas complètement bien sûr. Je demeurais aux yeux du monde un enfant joueur, farceur, curieux de tout, amoureux de la nature, insupportable à l'école… mais, tout au fond, mon ciel demeurait en permanence voilé de tristesse. Mon corps, qui répondait à toutes les sollicitations de mon esprit, fut le plus beau cadeau de mon existence, tandis que mon cœur avait des jambes et des bras de bois qu'il me fallait apprendre à mouvoir. La marche, la course, les plongeons, les étoiles... me furent offerts. Le reste je l'ai appris tout seul. Comme un tâcheron, remettant cent fois le métier sur l'ouvrage et payant mes errements comptant.

 

J’ai eu la chance de lire en avant première cette  Rencontre avec soi, pourrais-tu expliquer comment elle est arrivée dans ta vie?

 

Comme ces cadeaux du ciel qui viennent quand on ne les attend plus.

 

Quand j’ai lu ce texte, j’ai immédiatement pensé à ces livres comme le Tao Te King que tu cites dans ton texte, que l’on a envie de garder à son chevet et d’ouvrir à chaque fois que l’on est en proie à des questionnements. Comment expliques-tu son effet apaisant ? Est-ce que c’est une sensation que tu as toi aussi ressentie en l’écrivant ?

 

Oui, j'ai ressenti un grand apaisement en l'écrivant. Quelque chose qui jusque-là tourbillonnait dans les nuées et que je m'efforçais d'attraper en sautant, ne parvenant tout au plus qu'à en arracher des petits bouts par ci par là et qui soudain coulait de source sur la page, ne nécessitant aucun effort, même pas celui d'agencer les mots qui se posaient tout seuls, dans la musique même où je les entendais. Je me rappelle un jour – peu avant que cela ne commence – m'être adressé à je ne sais qui en regardant le ciel, disant à peu près ces mots : « Cela fait près de quarante ans que je forge mon écriture, comme un artisan façonne lui-même son outil de prédilection. Maintenant je suis prêt. Si j'ai quelque chose à dire, je le ferai du mieux que je peux. » J'ai rencontré le Tao Te King vers la fin du livre, avec cette phrase tellement juste pour moi : « Voir au fond des ténèbres est clarté ». C'est une phrase que j'aimerais transmettre au monde entier. Comme toutes les compagnes et compagnons que j'ai rencontrés dans le monde du développement personnel, de la thérapie et de la spiritualité, j'ai commencé par chercher mon salut dans la lumière. Or, le propre de la lumière, en se reflétant aux surfaces réfléchissantes du mental, est de nous éblouir. Nous nous rêvons comme de grands oiseaux battant le ciel de nos ailes de cire, jusqu'à ce que, tel Icare, nous nous écroulions au sol. Le mental est détruit par la lumière. Si nous nous envolons trop haut avant que d'être prêts – tel Rimbaud qui écrivit Les Illuminations à 18 ans, nous brûlons vifs. Moi – peut-être fût-ce ma chance – j'étais déjà tombé de suffisamment haut pour être bien décidé à ne risquer à nouveau l'envol qu'à coup sûr. Alors, j'ai fait le chat. J'ai habitué mes yeux à l'obscurité et je suis descendu dans mes cavernes, à ma propre rencontre. Dans ce livre – ou peut-être le suivant, je ne sais plus – j'écris que je dois mon amour de la lumière à la lueur d'une bougie qui jamais ne me trahit. Mais au fond ce n'est qu'une jolie métaphore. Quand tes yeux sont adaptés à l'obscurité, tu y vois comme en plein jour. Et, contrairement à la lumière où il n'y a strictement rien d'autre à voir que la course folle des électrons, l'obscur est un monde peuplé d'incroyables merveilles qui, les découvrant, nous enseignent qui nous sommes. Tu connais la phrase de Socrate, telle qu'elle était écrite sur le fronton du temple de Delphes et dont l'histoire nous a longtemps privé de la moitié ? « Connais-toi toi-même... et tu connaîtras l'Univers et les dieux ».

 

Après ta trilogie à succès  la Mondialisation racontée à ceux qui la subissentLa Fabrique du Diable, Eloge de la simplicité volontaire, suivie de  Nous réconcilier avec la Terre  publiés chez Climats et Flammarion, tu tentes l’aventure de l’auto édition, pour quelle raison ?

 

Pendant ces six années de silence auxquelles tu faisais allusion au début de l'entretien, j'ai écrit – et réécrit plusieurs fois – deux livres qui m'ont été refusés par les éditeurs auxquels je les ai adressés. Cela ne fut pas facile, mais bon, je suis un habitué des refus. Je me revois, lors de mes premiers pas dans l'écriture, en train de passer un couteau sous la porte de ma maison pour voir si une lettre d'acceptation d'éditeur n'y serait pas restée coincée ! Par la suite, j'ai appris qu'en cas d'accord ils téléphonaient ! Pour un des deux ouvrages, je suis aujourd'hui d'accord avec eux, je l'aurais moi-même refusé. Pour l'autre, je conserve un doute, bien que l'amie qui m'a aidé à aboutirRencontre avec soi  et en qui j'ai toute confiance, ait également exprimé des réserves à son sujet. Mais quand cette nouvelle écriture est survenue, j'ai compris qu'ils n'étaient plus de mise et que je touchais enfin à ce à quoi j'aspirais. J'ai alors sélectionné huit éditeurs, dont deux de Christian Bobin qui fut pour moi un phare tout le temps de cette incroyable traversée, persuadé de recevoir une réponse positive dans de brefs délais. J'ai reçu quatre réponses, effectivement dans de brefs délais (entre une semaine et quinze jours), toutes nos seulement négatives mais qui plus est bateaux : « N'entre pas dans le cadre de nos collections ». Mon éditeur chez Climats, Alain Martin, a créé sa maison d'édition pour publier un livre qu'il aimait par-dessus tout. Pas une collection, une maison d'édition ! Donc pour moi cette phrase ne veut strictement rien dire. Alors, pour la première fois, j'ai compris que ce n'était pas mon écriture qui était en cause et que celui-là je ne le réécrirais certainement pas. Je vais peut-être te paraître prétentieux – mais au point où j'en suis je m'en fous un peu – je crois que ce que j'écris est dérangeant. On parle beaucoup dans les milieux du développement personnel de changement de paradigme. Un peu comme on papoterait autour d'une tasse de thé. Mais un changement de paradigme, c'est la déstructuration de la pensée. C'est cela que l'humanité expérimente aujourd'hui : la déstructuration de la pensée. Je l'ai touché du doigt à l'occasion d'une constellation familiale, avec un enfant schizophrène qui disait à sa mère : « Maman, laisse-moi tranquille, c'est mon travail de descendre dans le noir, quand tu t'inquiètes pour moi, tu m'empêches de travailler. » Eh bien, à mon échelle, j'ai expérimenté – et je continue d'expérimenter au quotidien – le changement de paradigme dans lequel nous sommes tous, bon gré mal gré, entraînés. Comme dirait ce cher Pierre Rabhi, je fais ma part. Et je pense que ce que j'en dit est difficile à entendre. Et la plupart des éditeurs choisissent – à raison pour ce qui est du chiffre des ventes – de publier des paroles faciles à entendre. Donc, je saisis pour la première fois depuis mes débuts dans l'écriture, l'occasion qui m'est aujourd'hui donnée de la vente en ligne. Et si mon livre fait un flop ce n'est pas très grave, l'important restera à mes yeux de l'avoir écrit.

 

Dans les livres que je viens de citer, on lisait une sorte de révolte revendiquée contre un système et son absurdité, révolte que tu as su transposer dans ta vie concrète en faisant coïncider tes paroles et tes actes, c’est assez rare pour le souligner. Puis au fil du temps, la révolte s’est muée en travail intérieur, est-ce un chemin naturel pour toi, après avoir regardé à l’extérieur de te tourner vers l’intérieur ? Pourquoi ?

 

Parce que je n'ai trouvé absolument aucune réponse convaincante à l'extérieur ! Y compris les alters ceci ou cela. Il y a quelques années, je participais à un débat public au festival du livre de Mouans-Sartoux en compagnie d'Ignacio Ramonet, patron du Monde diplomatique et chantre de l'altermondialisme. A un moment, un jeune homme plein de fougue nous lance : « C'est bien beau ce que vous racontez mais dites-nous un peu ce que nous devons faire ». Je lui réponds aussi sec : « Je ne suis pas payé pour penser à ta place » puis ajoute gentiment : « mais si tu as envie que nous y réfléchissions ensemble, alors je suis partant ». Ignacio Ramonet, qui, contrairement à moi, fait métier de penser pour les autres, s'est empressé d'étouffer mon incongruité sous une liste de choses à accomplir : Observatoire des médias, observatoire de la mondialisation, démocratie participative… (de mémoire il y en avait dix), on aurait dit une recette de cuisine ! Je le répète, ce que nous avons à expérimenter est la déstructuration de la pensée. Non seulement ma pensée, non seulement la pensée collective de l'humanité mais LA pensée qui est pour moi le point de création de l'Univers. C'est ainsi que j'entends le fameux « je pense donc je suis » de Descartes. Nous sommes (nous, la création) produits par la pensée, et nous produisons de la pensée au moyen de laquelle nous confirmons notre existence. Dans Dialogues avec l'ange, il y a une phrase qui me fait frissonner : « Attention, à partir de maintenant matière et esprit se touchent ». Ce qui veut dire pour moi que nous sommes – nous, êtres conscients – le point de rencontre entre la pensée qui nous crée et la pensée que nous créons. Cela se produit en nous, ici et maintenant. Je l'imagine comme deux magnifiques vaisseaux spatiaux ayant entamésleurs manœuvres d'approche. L'Un : le vide, le terrible, le silence absolu, le néant, l'impensé ; l'Autre, le plein, le bruyant, le fragile, l'expérimenté qui revient à sa source et dit « Voilà ce que j'ai trouvé ». Et le seul fait que nous ayons commencé l'approche, modifie forcément, notre manière de penser le monde. Nous ne pouvons pas penser le monde de la même manière lorsque nous voguons à ses confins et lorsque nous nous rapprochons de sa source. Tout simplement parce qu'il s'y trouve dans deux états différents. C'est le merveilleux enseignement de la physique quantique : plus nous descendons dans l'infiniment petit, plus la matière se comporte d'une manière qui échappe totalement à notre cadre référentiel de pensée, construit jusque là sur les lois de la gravitation et la course des sphères célestes. Et cet ajustement de la pensée sur le point d'être accueilli par l'impensé ne peut être accompli qu'à titre individuel. « Je » pense, donc « je » suis. Chacun de nous : un par un. Et tous ensemble à la fois. Quand un être modifie si peu que ce soit son cadre de pensée, il se produit des modifications partout dans l'Univers.

Si ce que je formule est un tant soi peu cohérent, cela veut dire que le temps des religions est révolu. Et c'est pour cela qu'elles se fondamentalisent. Toutes. Sans exception. Pour tenter d'échapper à leurs morts programmées. Et je range avec la laïcité, qui, passée les premières fraîcheurs de l'enfance, est devenue aujourd'hui une religion comme une autre. Idem pour la politique (ou son autre nom aujourd'hui : l'économie). Comme l'a superbement analysé Guy Debord il y a cinquante ans déjà, elle ne cesse de se spectaculariser en surface tandis qu'elle révèle en dessous un corset de fer d'une rigidité telle qu'il devient quasiment impossible d'échapper au système de contraintes que nous impose l'organisation marchande du monde. Ce n'est pas des chaînes du monde dont nous devons nous libérer – cela se fera le moment venu, pour chacun de nous, à l'heure de notre mort – ce sont des chaînes de l'esprit. Du conditionnement de notre propre esprit qui nous conduit à penser sur des rails alors qu' en face arrive un train à très grande vitesse ! Mon premier acte de libération, entrepris il y a près de 30 ans, fut de solder mes crédits à la consommation et de me débarrasser de la télévision. A partir de là j'ai pu arrêter le métier d'assureur qui me pompait le système, pour me lancer à mes risques et périls dans l'écriture. Quelques années plus tard, avec l'aide d'un magnifique charpentier, je construisais ma première maison en terre et en paille, moi qui jusque là n'avais jamais su changer un joint de robinet !

Aujourd'hui, je ne lis plus un seul journal et n'écoute que rarement la radio ; autrement dit, je ne m'informe plus (de l'ancien françaisenformer : donner une forme). Je tends de plus en plus vers le sans forme.

 

Finalement, je trouve dans ce livre beaucoup des thèmes qui te sont chers à un niveau plus intime, mais tout aussi universels. Je te cite « Quand nous voulons transmettre à nos enfants la sécurité, l’argent, une place sur l’échelle sociale…nous leur transmettons la guerre. Nous ne pouvons léguer à nos enfants que ce que nous sommes nous-mêmes. Regardons-nous à l’heure de mourir et nous saurons avec exactitude ce que nous déposons dans leur besace ». Qu’aimerais-tu avoir transmis à tes lecteurs avec ce livre ?

 

Au fond je ne veux rien transmettre. J'adore écrire et je me rends compte qu'à travers les romans, les essais, les livres érotiques, les pièces de théâtre… je n'ai jamais rien fait d'autre que de me raconter moi-même. Donc je continue. Forcément, comme dans Rencontre avec soi, je parle depuis une certaine profondeur, il m'arrive d'avoir une voix de caverne. Mais tu sais, c'est beau une caverne. Les premiers hommes s'y abritaient, dessinant sur leurs parois les figures du monde extérieur qu'ils redoutaient et admiraient à la fois et dont leurs vies dépendaient entièrement. Comme nous aujourd'hui, sauf que nous avons une fâcheuse tendance à oublier que nous dépendons de la nature et que ce que nous mettons sur nos murs est rarement aussi beau.

 

Serais-tu passéiste ?

 

Je ne parle pas du passé (qui au vrai n'existe pas, n'étant rien d'autre qu'une construction de notre esprit) mais d'un sens de l'esthétique qui m'est propre. Comme tu l'as évoqué tout à l'heure, je me suis un peu occupé de peinture dans ma vie. L'humanité semble avoir des cycles de production artistique qui se déplacent à la surface du globe, entrecoupés de phases de destruction et/ou de conservation muséifiée. Il y a quelque chose selon moi qui passe directement de la peinture des grottes à celle, par exemple, d'un Paul Klee, fin 19ème début 20ème. Cette période fut en Europe une ère de révolution artistique d'une incroyable richesse, qu'il s'agisse de littérature, de peinture, de musique, de danse, de découvertes scientifiques… Aujourd'hui, en France (et dans nombre de pays industrialisés) la peinture « officielle », celle achetée, encouragée, reconnue, approuvée… par les instances étatiques culturelles comme par la classe marchande, est d'une indigence confondante. Je me souviens d'une exposition au FRAC de Marseille (Fonds Régional d'Art Contemporain) d’œuvres achetées par l’État à des artistes afin de soutenir leur création, consistant pour certaines en des étagères en formica supportant des bidons de lessive vides ! Bon, le curseur de l'éruption artistique est parti ailleurs. Je le vois aujourd'hui chez les tribus de l'Omo, dans la vallée du grand Rift en Afrique, ces géants de deux mètres qui se peignent le corps de pigments naturels et s'habillent d'incroyables feuillages pour le seul plaisir de créer de la beauté. Quant à la science, à la magnifique découverte de la physique quantique qui se trouve au cœur même du changement de paradigme à l’œuvre, nous en faisons pour l'heure des rayons laser, des transistors, de l'énergie nucléaire. On appelle cela la recherche appliquée. C'est bien : appliquons-nous ! Soyons de bons élèves appliqués. Nous mourrons avec de bonnes notes.

 

 

Il y a dans ton livre de très belles pages sur l’amour, sur les rapports hommes/femmes, sur la paix…Mais aussi sur la vieillesse, que tu introduis par un syllogisme qui m’a fait sourire « Je n’aime pas vieillir. Pourtant plus je vieillis, plus je m’aime. Du coup je me demande si au fond je n’aime pas vieillir. » N’est-ce pas justement là que réside la rencontre avec soi ?

 

Ah oui, le vieillissement est la rencontre au quotidien avec soi. Je commence du reste le livre par une visite que je rends à une dame toute illuminée de lumière dans une maison de retraite. Et la mort est la rencontre ultime. Tiens, pour terminer, je t'offre cette phrase de Christian Bobin dont la lecture m'accompagna lors de ma descente dans les ténèbres – lui qui m'y semble étrangement étranger : « Il me faudra traverser encore bien des pièces avant d'arriver à la salle des fêtes illuminée de ma mort ». Quant aux rapports hommes/femmes, ils me semblent être la clef de tout. Ma théorie – qui vaut ce qu'elle vaut, nous ne faisons que nous raconter des histoires (y compris des histoires scientifiques) dont les plus belles, à force d'être racontées, peuvent finir par advenir à la réalité – est que la pensée préexiste à l'Univers en même temps qu'elle s'invente avec lui. Avant le commencement il y a le Un. Avec le Big Bang, le déchirement originel, apparaît le Deux. Nous pouvons décliner le Deux sous toutes ses formes, dont les primordiales à mes yeux sont le masculin et le féminin : deux énergies complémentaires. Le Yin et le Yang, disent les orientaux. C'est vraiment pour moi un processus énergétique qui commande absolument tout dans l'Univers. Le Un – ou le Rien – est un potentiel phénoménal d'énergie en état d'assoupissement. Puis, va savoir pourquoi, le dormeur s'éveille, s'étire… (Il pense ?) et Paf, c'est le Big Bang. Impossible de rattraper le truc. Ça pète de partout. Une puissance colossale d'expansion se met en mouvement grâce à laquelle l'Univers se refroidit, évitant ainsi de périr carbonisé par la déflagration de sa propre naissance. Puis, une deuxième force – la gravitation – vient l'équilibrer, créant des îlots de chaleur propices à l'apparition de la vie. Expansion, expiration : masculin. Gravitation, inspiration : féminin. (Je me répète : je raconte une histoire). En électricité, tu as une phase (positif, masculin) et un neutre (négatif, féminin). Si les deux fils se touchent avant d'arriver à l'ampoule, c'est le court-circuit assuré. Donc au début c'est collision sur collision. Un véritable feu d'artifice. Puis, les milliards d'années passant, apparaît la vie : végétale, animale, humaine dont, très vite, une particularité est de combiner deux polarités opposées (le masculin et le féminin) et une autre d'allumer dans l'Univers de petites ampoules de conscience. Comme, dans une lampe, la phase et le neutre se combinent pour produire de la lumière, la vie produit de la conscience. Alors, ce que nous pouvons faire de mieux aujourd'hui, nous les hommes et les femmes est d'amener chacun notre polarité à la lumière de la conscience. Pour cela il faut être deux. C'est ce que mon amie Claire, qui m'a inspiré ce livre, m'a aidé à l'aboutir et avec laquelle j'ai fait en grande partie ce travail de conscience, appelle une alliance sacrée.

 

 

Aimerais-tu ajouter quelque chose ? 

 

Oui : rien. Pour le reste nous avons bien assez de tout.

Et merci à toi Vanessa.

 

 

Rencontre avec soi de Hervé René Martin

 

 

 

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21 mai 2015

Vincent Moon

Rome toussaint 2014 083

Vincent Moon enregistre les musiques qu'il découvre au fil de ses voyages. Explorateur sonore et visuel, son site mérite une lente exploration. 

 

 

 

 

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24 mars 2015

Dance me to the end of Love*

J’aime écrire et j’aime danser, il y a dans ces deux disciplines, bien plus que le sens du rythme, de la métaphore et de l’abstraction en commun, il y aussi un langage. Pourtant, on n’écrit pas la danse alors que l’on sait écrire la musique. Il existe bien certaines tentatives dans l’histoire de la danse pour la retranscrire sur papier mais aucune qui ne fasse école et qui rassemble tout le monde autour d’un accord tacite.

 

Quand on pense danse, on pense tout de suite maintien. Mais c’est très réducteur, c’est la même chose que de parler du bruit sans parler du silence, l’un ne peut exister sans l’autre. La danse s’organise autour du maintien et du relâchement, de l’équilibre et du déséquilibre, de changements d’appuis, de changements de direction qui, s’ils sont bien accomplis, laissent au spectateur la sensation que tout se déroule dans une parfaite fluidité, simple et sans efforts.

 

Pourtant, derrière chaque danseur, se cache un masochiste.

 

Même à un niveau amateur, la danse et la douleur sont amies. Et cela commence par la tête. Tous les gestes quotidiens qui conditionnent le corps dans des habitudes et des automatismes sont ennemis de la danse. Pas de danse sans conscience totale du corps. J’entends encore mon premier maître de classique scander cette phrase en frappant le parquet de son bâton : « le regard suit le geste ! ». Tout le corps se tend vers une même volonté, de la plante des pieds jusqu’au regard, une seule pensée domine entraînant tout le corps derrière lui. Et toute la vie d’un danseur ne se résume finalement qu’à cette répétition incessante d’enseigner à chaque cellule de son corps de se concentrer sur un même but ; chaque instant devant être vécu comme s’il s’agissait du dernier, une sorte de sacralisation de l’instant dans l’implication absolue du corps au présent.

 

Avec la tête, vient aussi la synchronisation ou la désynchronisation, c’est selon. La pensée dirige et si la pensée veut que le bras droit se jette en avant, tandis que le corps ploie et que la tête s’enroule, que la jambe droite fléchisse tandis que la gauche se tend, le corps doit être capable de l’exécuter. Le rapport étroit entre la pensée et le corps doit se muscler pour que l’un et l’autre se comprennent en une fraction de seconde comme deux amants. Pas le temps pour l’hésitation, il faut que la communication entre les deux soit télépathique.

 

Enfin, vient le reste du corps et avec lui la souplesse. Je pense aux techniques de Lester Horton ou encore de Martha Graham, à ces musiques hypnotiques sur lesquelles les corps s’étirent, se détendent, s’allongent dans la lenteur comme si le squelette avait déserté le corps.

 

La danse implique donc cette trilogie entre la tête, le corps et l’espace/temps. Et comme à partir de toute trinité, la danse peut devenir grâce, elle se spiritualise ou a contrario, c’est l’âme qui s’incarne.

 

Tous les danseurs du monde consacrent la plus grande partie de leur temps à la barre que certains nomment échauffement mais qui en réalité, est plutôt comparable aux katas au karaté. Il s’agit de répéter inlassablement des mouvements qui échauffent et éveillent le corps, et qui précisent le mouvement, exactement comme le fait la vieille Geisha pour la cérémonie du thé où se mêlent supra conscience et esthétisme. Une vie entière n’est pas suffisante à un tel apprentissage, qui reflète la tendance de l’homme à tendre vers la perfection.

 

Enfin, le danseur s’apprête à réintégrer le quotidien, à le danser car il peut tout danser, il peut danser l’homme d’affaire, il peut danser les éléments, les saisons,  il peut danser le sommeil mais contrairement à la masse, il est éveillé. Il ne joue pas comme au théâtre, il ne  caricature pas, il recrée le lien magique qui unit le geste et l’instant, il se souvient de l’application qu’il mettait enfant à tenir son bol, à faire trois pas, il se souvient du temps où rien n’était acquis et où la concentration accompagnait tous ses gestes. Sauf que l’enfant a grandi, et qu’il a perdu son hésitation. A force de répétition, il a capté l’essence du mouvement.

 

On pense souvent que danse et musique sont obligatoirement liées, que la danse ne peut se passer de musique, mais elles ne sont pas aliénées l’une à l’autre comme les expériences de Cunnigham et Cage l’ont montré qui ont fait interagir la musique sur la danse et la danse sur la musique. Le seul cadre véritable du danseur est donc l’espace-temps, et de cet espace-temps naît une énergie entièrement captée par le danseur, c’est pourquoi certaines chorégraphies se sont même passées totalement de musique.

Si comme Cage le pensait, tout son est musique, on peut se demander alors, si tout mouvement est danse. En partie oui, sauf que, pour que tout son soit musique, il faut une oreille pour l’entendre, une volonté musicale qui la joue, de même que, pour que tout mouvement soit danse, il faut un regard capable de le chorégraphier.

 

Certaines dansent comme le  hip hop utilisent clairement cette énergie, les danseurs forment un cercle dans lequel à tour de rôle chacun s’introduit stimulé et porté par l’énergie du cercle qui l’encourage et avec lequel il instaure une véritable joute gestuelle au même titre que les chanteurs de rap se passent le mic’, les danseurs se relaient.

 

Pour qu’il y ait danse, il faut engagement du danseur et du spectateur.  La danse est énergie captée et incarnée, elle est l’art de l’instant. C’est pourquoi j’ai toujours pensé que la danse était un art du lâcher prise, un art de l’abandon et de l’acceptation.

 

Vanessa

 

* D'après le titre de Léonard Cohen

 

29 octobre 2014

L'appel

De retour de Rome, me voilà apaisée et acquittée des loyaux services rendus à ma fièvre. Je me demande pour quelle raison certains ressentent, comme chevillé au corps, comme un leitmotiv pressant et criant tant qu’il n’est pas satisfait, cet appel de la mise en mouvement, ce sentiment un peu ringard et romantique de l’ailleurs.

 

Aussi loin que je me souvienne, cet appel a toujours été présent. J’avais environ 3 ans quand ma grand-mère m’a lu le premier livre qui faisait écho à cette sensation déjà vibrante : Martine en voyage. Je rêvais de partir un matin sur les routes comme Martine et son amie Annie, qui bien qu’encore illettrées et pas dégrossies de l’âge d’or du merveilleux, prennent la route un matin plutôt que d’aller à l’école.  Quelques jours plus tard, j’avais mon plan, je réussis à convaincre quelques copines d’escalader le petit grillage de l’école pour aller voir ce qui se passait dans la rue de l’autre côté. Je faisais le guet pendant que tant bien que mal, mes amies escaladaient la petite enceinte quand, une dame de service qui descendait du bus nous prit en flagrant délit. Dieu sait ce qu’il nous serait arrivé.

 

Peu de temps après, j’étais à la tête d’une autre expédition plus périlleuse encore, j’embarquais dans mes frasques deux copines dans un projet d’escalade autour de notre quartier. Il y avait là, en effet, une petite colline rocailleuse, qui devait bien s’élever à trois mètres et toutes trois enroulées autour d’une même corde que nous avions nouée lamentablement, nous entreprîmes l’ascension de la colline qui se trouvait en retrait. Nous entendions bien nos mères paniquées nous appeler au loin, mais nous continuâmes jusqu’à ce qu’un enfant plus âgé, envoyé en éclaireur, nous retrouve au moment critique où un chien aboyant et menaçant nous barrait la route.

 

J’avais 7 ans, quand après avoir regardé un épisode de Tarzan un dimanche après-midi, je conclus que la jungle se trouvait derrière un rideau rouge à Paris parce que le générique du feuilleton apparaissait après qu’un rideau rouge version Cognacq-Jay imite le début d’une séance de cinéma.  J’en parlai le lendemain à une copine de classe qui trouva la logique implacable. Nous nous donnâmes rendez-vous pour minuit, en bas de la superette où travaillait sa mère. J’avais préparé un balluchon, m’était repassée en boucle une centaine de fois le chemin qui menait de chez moi à son Casino mais à minuit, je n’eus pas le courage de prendre le chemin de la jungle. Le lendemain, nous prétendions toutes deux avoir attendu l’autre des heures et être déçue d’avoir dû annuler. Nous nous arrangeâmes sur la question en prétextant que nous nous étions sans doute mal comprises mais aucun nouveau rendez-vous ne fut pris.

 

Plus tard, je dévorais les Alice, dans la bibliothèque verte, enquêtant sur des mystères aux quatre coins du monde, je me  répétais avec délectation le doux nom de Hawaï qui ne finissait pas de m’enchanter.

 

A 13 ans, je découvris toute la littérature hippie des années 70, les récits de voyage de ceux qui partaient pour Katmandou, l’Espagne, la Turquie, l’Afghanistan, l’Inde et c’était comme des coups de crosses donnés à cet appel puissant qui me rongeait et suppliait d’être entendu.

 

J’avais 14 ans quand marchant aux côtés d’une amie sur une route qui s’étendait à perte de vue, qui avait l’allure des grandes routes mythiques,  je sentis que mon premier voyage en autonomie n’était plus très loin. Grande lectrice des récits de voyage, je savais qu’il nous suffisait de tendre le pouce pour aller où bon nous semblait. C’était le week end, nous étions toutes deux dans la même pension où nous retournions tous les lundis. Mon amie n’était pas de mon avis, elle répondit « pas aujourd’hui ».

Le moment opportun se présenta bientôt, après être rentrée un soir après le couvre feu et avoir été punies par nos parents, nous criions à l’injustice et décidâmes que le moment était venu de mettre notre projet à exécution.

Le lundi matin, nous nous rendîmes à la gare où nous devions prendre la Micheline qui nous conduisait au collège dans l’arrière pays niçois, au lieu de monter, nous partîmes dans la direction qui nous semblait être celle de Lyon. Nous prîmes en effet la route de Grenoble appelée aussi route Napoléon, sur laquelle nous tendîmes le pouce à pas moins de 12 voitures pour atteindre Lyon. Nous passâmes par Dignes-les-Bains, perdues le soir sur une route sans éclairage, c’était le premier vrai sentiment de liberté que je ressentais. La première fois que je répondais à l’appel et que j’étais prise de cette ivresse folle d’avancer toujours plus loin. Il était tard quand nous atteignîmes Lyon. Sur le chemin, on avait décidé de poursuivre jusqu’à Paris mais il fallait s’arrêter car nous étions en pleine ville, que nous n’avions rien mangé de la journée et que surtout, nous ne savions plus quelle direction choisir pour avancer.

Le couple qui nous déposa, nous arrêta à la Part-Dieu, grand quartier de bureaux, en pleine construction à cette époque. Nous étions en Mai 1987, nous avions quitté le Festival de Cannes pour nous retrouver sous d’autres projecteurs, le procès Klaus Barbie. Assises sur les marches dans la cour d’un grand ensemble de bureaux, en train de fantasmer sur le réfrigérateur plein de mes parents, une ronde de policiers tomba sur nous, on nous ordonna de les suivre jusqu'au poste. Nos parents durent faire le chemin pour nous rapatrier le lendemain dès l’aube, tandis qu’au QG, des policiers stagiaires s’étonnaient de rencontrer des jeunes filles qui n’avaient pas froid aux yeux et qui surtout, avaient troqué le tapis rouge Cannois contre le procès d’un vieux Nazi.

Pendant ce temps, au collège, notre disparition avait été signalée, tout le monde avait parié sur le fait que nous n’irions pas loin, que nous ne dépasserions pas les frontières du département, c’est non sans fierté que nous rentrâmes pour annoncer que nous avions atteint Lyon.

 

A partir de là, il me fut impossible d’étouffer cet appel. Il doit y avoir quelque chose d’irrémédiablement reptilien dans cet appel, une urgence qui remonte aux temps du nomadisme, aux temps où marcher c’était survivre et où rester c’était devenir une proie ou risquer la famine. La vraie question est pourquoi sommes-nous inégaux face à cet appel ?  

 

Vanessa

9782203064232FS

2 août 2014

Nice- Château de Cagnes sur Mer : 24 kilomètres aller-retour

 

 

Printemps 2014 266

Alexandre Poussin parle de mettre moins de choses dans sa vie mais plus de vie dans les choses. Et il n’y a besoin de rien d’extraordinaire à démarrer tout de suite. Qui nous empêche de faire quoi ?

La méditation nous apprend à balayer en douceur toutes les pensées qui viennent s’imposer à nous et nous distraire de l’être là. C’est une merveilleuse initiation pour le quotidien. Observez-vous une journée : combien de temps passons-nous à nous occuper d’inutile, à gamberger sur les histoires des uns et des autres, à éprouver des sentiments tels que l’envie, l’amertume, la nostalgie, la jalousie, autant d’instants consacrés à la soit disante impossibilité de vivre. Tout ce qui nous arrête, nous freine, nous empêche de… parce que nous n’avons pas ceci ou cela, parce que nous n’avons ni les outils ni les moyens.

Jodorowski raconte à ce propos l’histoire de ce jeune peintre chilien qui écrit à un peintre de renom pour lui demander de l’aider financièrement à s’acheter du matériel et le peintre de répondre que si le jeune aspirant souhaite vraiment peindre, il peut le faire avec ses excréments. Que la nécessité de peintre n’attend rien et ne dépend de personne.

 

Partant de là, pour moi qui ressens si fortement le besoin de voyager mais qui n’ai pas les moyens actuels pour réaliser mes envies de voyage, suis-je condamnée à rester voyageuse immobile ? Qu’est-ce que le voyage sinon partir. Aujourd’hui, nous nous décidons donc avec mon ami Thomas pour une escapade à Cagnes sur mer à pied, by fair means. Rendez-vous pris à 10h00 devant le Negresco avec Thomas qui arrive de Paris et  à qui, lorsque je lui ai  proposé cette échappée, a répondu simplement : « carrément ! ». Heureux les êtres curieux et jamais blasés !

 

Nous décidons de suivre la Promenade des Anglais. Nous ne nous sommes pas vus depuis quelques mois, rien de tel que de marcher trois heures pour  débriefer les mois écoulés ! La marche comme énergie de partage. Ce chemin, il n’a rien d’extraordinaire, on peut d’ailleurs le suivre à vélo puisqu’une piste cyclable a été prolongée de Nice à Cagnes depuis quelques années. Beaucoup l’empruntent, nous nous en rendrons vite compte et je regrette un peu que les cyclistes aient tendance à abuser de leur sonnette comme avertisseur imposant au marcheur sans arrêt de s’écarter de sa route.

 

Nous arrivons à l’aéroport et déjà je suis surprise par sa proximité avec la ville, c’est encore plus flagrant quand on y va à pied. Combien de taxis ai-je payé à des prix exorbitants pour pouvoir décoller à l’aube quand les bus ne sont pas encore en service ! Jusqu’à Saint Laurent du Var, l’environnement est familier mais sur le Var, nous sommes happés par cet air de petite Camargue qui s’étend sous nos pieds. Accoudés sur la balustrade du pont Napoléon III, sous nos pieds nagent d’énormes poissons noirs dans une végétation semi marécageuse. Le Var signifie « eau », et ici, nous sommes à l’embouchure, l’endroit exact où l’affluent rejoint la Méditerranée dans un courant électrique car en effet, le mois de Juillet a été pluvieux sur la Côte, le temps pas franchement estival et on peut encore distinguer des plaques de neiges sur les sommets alpins. Ce fleuve est la séparation géographique entre le comté de Nice et la Provence. Sur la rive Est, on mange la Socca, à l’Ouest, on commence à fabriquer la  Pompe à huile.

 

Si cette route est bien connue des Niçois, nous l’empruntons régulièrement et même quasi quotidiennement, la marcher lui confère un air complètement nouveau. Il faut dire que bordée par une portion de route où la vitesse moyenne avoisine les 70km/h et se situant a priori dans un no man’s land dont l’écho alentour s’appelle Cap 3000, toute la zone commerciale vient défigurer ce qui devait être un lieu d’escale pour les oiseaux migrateurs, il n’y a pas vraiment de raison de marcher ici. C’est en partie ce qui rend le lieu excitant. Dos à la mer, ce sont les Alpes, mais d’abord au premier plan, le Baou de Saint Jeannet et le Col de Vence, déserts détonnant sur une Côte surpeuplée et sur bétonnée.

 

Je suis en train de les photographier quand Thomas s’exclame que quelque chose d’étrange se passe sous le pont. En effet, un bouillonnement suspect se met à troubler l’eau en un endroit unique et forme à présent un geyser. Puis le bouillonnement s’apaise soudain et on réalise que les énormes poissons de tout à l’heure sont tous regroupés autour de ce geyser. Un égout qui rejaillirait ici ? Des Poissons nourris à la merde humaine et des oiseaux prêts à s’en régaler qui déjà tournoient ? Le bouillonnement se calme puis reprend, cette fois je le filme décidée à en découdre en rentrant pour comprendre de quoi il en retournait.

 

Plus loin, c’est le port de Saint Laurent, autre lieu défiguré par les restaurants et bars en préfabriqués, mais loin de la débauche débilitante des soirées, le matin, la traversée est agréable et reposante car on quitte un instant le flot des carlingues bruyantes sur la prom’.

 

On arrive finalement assez vite au Cros de Cagnes, là c’est l’iode, les voix des baigneurs, les odeurs de crème solaire généreusement étalée sur les peaux et l’appel des vaguelettes clapissant à quelques mètres sous un soleil mordant mais je n’ai pas pensé au maillot. Le but étant de rejoindre la colline du château.

 

On coupe par les terres peu après l’église des pêcheurs. Enfin sur les bas de Cagnes, après trois heures de marche, nous tombons sur  les touristes descendant des assiettes de petits farcis niçois, de pissaladière et de beignets alléchants mais nous poursuivons nos efforts vers la montée du château,  qui se déverse en pentes raides nous rappelant que le but se mérite. Nous grimpons jusqu’à la place centrale où nous nous attablons enfin à une terrasse pour siroter pour ma part quasiment deux litres de menthe à l’eau. Nous ne sommes pas fatigués, nous sentons les 12 kilomètres dans les jambes mais seulement comme une petite chanson des muscles qui ont été sollicités quand ils n’y sont plus habitués. C’est presque agréable et nous ne sommes pas inquiets à l’idée qu’il nous faudra en fin de journée répéter le trajet retour.

 

Notre table fait face au col de Vence. Derrière nous, la tour du château.  Il y a  tant de plaisir à savourer d’être là par l’énergie de soi. C’est bien différent que d’y arriver en voiture pour visiter, ce n’est même pas comparable. Nous avons « vécu » chaque  millimètre qui nous sépare de Nice,  lu, observé le paysage à l’aune de la lenteur du pas humain. Je me dis que ça fait longtemps que je n’ai pas eu cette sensation de voyager. Ca peut faire sourire mais j’invite quiconque a l’habitude de prendre un véhicule sur 12 kilomètres, de faire le trajet à pied et de constater par lui-même. L’espace et le temps ne sont pas du tout appréciés de la même manière, et c’est bien la relativité qui le dit avant moi ! Du coup, nous aussi nous ne sommes pas du tout habités par le même temps, j’ignore combien de temps exactement nous restons sur cette terrasse mais nous la quittons quand notre corps est complètement satisfait du repos, de la vie, de la fraîcheur des boissons et surtout, quand il est enfin restauré, ce qu’il est avec très peu car la marche coupe la faim, à moins que l’on se nourrisse autrement.

 

Quand nous sommes enfin reposés, nous entrons dans le château où une exposition d’art moderne se tient. Elle commence par quelques cabines devant lesquelles sont installées des marche pieds, et qui, lorsque nous y montons et que nous glissons nos têtes dans les ouvertures prévues à cet effet, nous reflètent à l’intérieur en tous ces mythes modernes que sont la pin up et l’homme body buildé.

 

Au rez-de-chaussée, les oeuvres trouvent leur place dans un bric à brac d’objets consacrés à la fabrication de l’huile d’olive, nous n’avons pas vraiment réussi à comprendre la logique des objets entreposés, mais c’est très bien comme ça de circuler entre une meule, un pressoir, une broyeuse et une grenouille en céramique sur fond végétal grossier dont on ne sait plus dire si elle fait partie de l’expo ou d’un vieux décor du château. Une salle entière consacrée à une chanteuse des années 20 Suzy Solidor peinte par 200 peintres nous dit l’affiche et dont on peut voir les portraits de Picabia, Dufy, Cocteau etc.

 

Une installation aussi qui m’a particulièrement touchée, Black breath  de Stefano Bombardieri parce qu’elle nous est arrivée d’abord sur fond sonore, alors que nous approchions de la salle où des dizaines  de minis plateformes pétrolières en action, toutes reliées à un humain calciné au sol, rappellent que le sang qui coule dans nos veines est le même que celui de la terre, et que forer le sol, c’est aussi nous appauvrir, nous condamner bientôt à l’inanition, à la mort. Comme cette vanité du même artiste italien la vanité black, ou encore cette autre œuvre Disposable mirors, installée au-dessus des plates-formes, avec de gros révolvers pointés sur nous surmontés de miroirs. Nous sommes les premières victimes des meurtres que nous perpétrons aussi bien à l’égard de la nature que de notre espèce, c’est de toute façon, la même chose.

 

D’ailleurs, assez amusant, en redescendant du château, un petit clin d’œil à cet artiste à nouveau, nous avons longé la Cagne où des oiseaux inconnus et poissons géants se côtoyaient, et arrivant sur le bord de mer, nous sommes tombés nez à nez avec un  Il peso del tempo, œuvre de l’artiste que nous avions vue en miniature au musée et qui était exposée ici en version géante. Le temps, c’était vraiment la donnée à méditer après cette marche.

 

Retour donc, nous savons maintenant que nous repartons pour trois heures, le temps s’écoule en sueur, en muscles brûlants, en course du soleil  et quand nous atteignons Nice et que nous nous arrêtons pour boire à l’angle de la promenade et du boulevard Gambetta, les kilomètres brûlent le muscle à vif. C’est franchement douloureux mais pas à s’en plaindre, c’est aussi douloureux que la douceur d’avoir parcouru ce chemin et d’avoir eu le sentiment de voyager dans un autre espace temps, et si partir c’était vraiment changer notre rapport au temps et à l’espace ?

 

Sentiment qu’il est impossible d’éprouver autrement que par la marche. Aucun avion, aucune voiture, ne peut nous donner ce sentiment de l’espace dans les jambes, de la route.

Pour l’anecdote, je me suis réveillée le lendemain matin de bonne heure, cassée comme une petite vieille, et c’est seulement quand je me suis mise à marcher que tout mon corps s’est détendu. Le remède à la marche, c’est donc encore la marche !

 

Vanessa

 

Pour en lire davantage sur l’exposition au château de Cagnes sur mer

http://ficanas.blog.lemonde.fr/tag/stefano-bombardieri/

 

 

 

 

20 juin 2014

Insomnie (chanson)

DSCN0719

Dis toi aussi t’as le cafard quand vient la nuit ?

Dis-moi encore qu’en toi sommeillent les insomnies

Que la vie bat, jamais trop bas pour t’assoupir

Que sur les toits, toi tu ne penses qu’à abolir

 

L’épreuve du silence, le roulis

 

Dis-moi si on se fuit de Bombay à Paris

Si on s’accorde une dernière danse dans un taxi

En récitant tous nos mantras jusqu’à l’envi

Et que nos lèvres vibrantes et étourdies

 

Miment l’insolence de la nuit

 

Eh dis moi si on commettait le crime parfait ?

‘Mettons que la lune se soit fait assassinée

Un jour sans fin suffirait-il pour écouter

Pour écarter de la lueur d’un feu de buis

 

L’indifférence et l’oubli

 

 

On se rit de tout ça

De la lumière qui tranche

Ca finira comme ça

Comme un triste dimanche

C’est pas terrible tout ça

Ebréchés dans les branches

C’est minuit à Lhassa

Cheers à notre nuit blanche

 

 

Si les dieux se mettaient à préférer

Les cigarettes qu’on partage sur l’oreiller

Les rires débiles, les yeux trop lourds, les mots usés

Si tout à coup ils prenaient goût aux road movies

 

Qui déjouerait notre ennui ?

 

Un ange passe quand à Moscou un flic est né

Quand le tarmac de JFK se fait déflorer

Par un pilote qui confond Bergman et Dysney

Qui a abusé dans le cockpit du Martini

 

Sous l’œil d’une hôtesse avertie

 

 

A l’extérieur, la nuit glaciale, moins dix degrés

Le souffle chaud de la chaudière sur le parquet

A envolé tes cheveux lisses et effleuré

L’ombre de moi, sans aucun doute, ivre de vie

 

Seuls survivants et unis

 

 

On se rit de tout ça

De la lumière qui tranche

Ca finira comme ça

Comme un triste dimanche

C’est pas terrible tout ça

Ebréchés dans les branches

C’est minuit à Lhassa

Cheers à notre nuit blanche

 

 

Vanessa

2 juin 2014

Pierre Rhabi La sobriété

Vers la sobriété heureuse (Pierre Rabhi)

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